« Propos sur les peintures de Frithjof Schuon »
Adapté de l'Introduction de Michael Pollack dans Images of Primordial and Mystic Beauty (Abodes, 1992)
Frithjof Schuon n'est pas un peintre intéressé à la métaphysique, il est un métaphysicien qui, de temps à autre, s'adonne à la peinture. Cette distinction est essentielle, sa vocation fondamentale étant la « sagesse pérenne », telle qu'il l'a exposée dans son œuvre écrite, alors que son art apparaît plutôt comme une expression de la dimension esthétique, psychologique ou morale de la philosophia perennis. En d'autres termes, Schuon ne s'intéresse pas seulement aux principes métaphysiques, mais aussi, par voie de conséquence, à leur rayonnement cosmique et humain, et au lieu de décider à l'avance quels symboles ou quelles évocations archétypiques il veut peindre, c'est spontanément, par sa pénétration spirituelle et son esprit contemplatif, que jaillit un ensemble profondément symbolique et intériorisant.
Les principaux thèmes de son art sont, d'une part, le monde des Indiens des Plaines et, d'autre part, le mystère de la Féminité cosmique et humaine, – l' « Éternel Féminin » de Goethe (das Ewig-Weibliche) ou la Shakti hindoue. Son choix pour le premier thème découle de son affinité pour le monde fascinant des Peaux-Rouges empreint d'héroïsme et de mystique; quant au second sujet – la féminité sacrée –, son choix trouve son fondement dans la métaphysique et la cosmologie; on pourrait dire aussi, de façon plus relative, dans son affinité pour l'hindouisme.
Il est évident que Schuon ne porte aucun intérêt à l'originalité ou à l'innovation; seul le thème l'intéresse, dont les racines remontent, suivant les cas, à son observation du peuple indien ou à une vision intérieure de réalités spirituelles. Quant au style, il adopte les règles générales de la peinture traditionnelle, le premier principe exigeant du peintre qu'il tienne compte de la planéité et de l'immobilité de la surface; il ne doit pas vouloir représenter l'espace tridimensionnel ni un mouvement trop accidentel donc fragmentaire. Schuon aime à répéter ses sujets, tant il est intéressé, voire fasciné, par eux; il serait hors de propos de lui reprocher cette sorte de "monotonie", la répétition de motifs fondamentaux étant propre à tout art traditionnel, permettant ainsi le déploiement de l'ensemble de leurs potentialités.
On découvrira dans cette collection [dans Images of Primordial and Mystic Beauty] des représentations de la Femme Bisonne Blanche qui apporta la Pipe sacrée aux Indiens Lakota; précisons que les coiffes qu'elle porte dans certaines peintures, tout comme d'autres détails, ont un sens symbolique et ne signifient pas que l'être céleste apparut véritablement ainsi.
Quand fut abordée la question de publier un recueil complet de ses peintures, Frithjof Schuon fut plutôt réticent, car il craignait qu'une telle publication ne porte atteinte à l'image de son identité intellectuelle et spirituelle; car, répétons-le, son message est essentiellement spirituel et non artistique. Toutefois, comme son art recèle aussi à sa façon un message spirituel, – son message doctrinal trouvant dans son art une expression de transparence spirituelle, – il accorda finalement son autorisation. Le résultat fut la publication en 1993 de Images of Primordial and Mystic Beauty.
Rappelons que la signification fondamentale du message artistique de Schuon est la présence du sacré dans toute beauté. Comme il l'écrit dans une lettre: « Ce que je cherche à exprimer dans mes peintures,– et je ne peux en fait rien exprimer d'autre,– c'est le Sacré associé à la Beauté. Donc des attitudes spirituelles et des vertus de l'âme. Et le rayonnement qui émane des peintures doit mener vers l'intérieur. » (Traduit de l'allemand). Comme l'a enseigné Platon: